La crise du Management en présence de l'Intelligence Artificielle
Cette
retranscription améliorée d'un enregistrement 'brut'
(en pied-de-page)
rapporte la présentation orale (du 30.nov.2012)
d'un texte qui suggère
comment la combinaison de la psychanalyse peut solutionner la déflagration
que l'intelligence artificielle produit
lorsqu'elle rencontre le management dans la société traditionnelle du
mensonge, de la dénégation et de l'oubli.
* : le texte n'est pas
encore accessible (par exception, pour une fois dans ma vie j'explore |
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Ladite retranscription améliorée :
sur fond orange les résumés/têtes-de-chapitrede l'introduction et sur fond vert les résumés/têtes-de-chapitre du texte proprement dit |
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Ce 30 novembre 2012, rue Trudaine à Clermont Ferrand
...et c'est à peu près la première fois - et probablement la dernière puisque après ça je prendrai ma retraite, demain.. que j'interviens sur une scène du discours du management. Mon propos est titré Le management et la psychanalyse face à l'intelligence artificielle dans le traitement du mensonge et de l'oubli et... je vais être assez direct : depuis les quelques heures durant lesquelles j'ai observé ce colloque, je n'ai pas une fois entendu parler de l'intelligence artificielle qui a mon sens, à mon opinion, à ma croyance est quelque chose qui est aussi majeure que si les extra-terrestres étaient arrivés en nombre et en intelligence sur la planète. De cette chose qui est en train de se passer et de se produire, nous pouvons être totalement inconscient et le rester finalement jusqu'à ce que l'intelligence artificielle se mette très bien seule en route et que nous n'en soyons peut-être même jamais conscient. Pourtant, essayons d'en parler parce que - cependant - on est tout de même un petit peu dans le fait puisque le colloque titre l'oubli - on aurait donc oublié ça - et éventuellement parle du mensonge mais je ne pense pas que l'on mente en n'en parlant pas, ici, de l'intelligence artificielle et de la gouvernance par les machines, même si c'est très important.
Le papier que j'aurai rédigé se compose en deux parties : un CADRE et un TRAITEMENT. La construction du cadre part de très loin, de très profond ; il s'agit presque d'ontologie. J'ai pris la psychanalyse d'un côté, et l'intelligence artificielle d'une autre côté et j'ai observé qu'il y avait quelque chose qui était commun aux deux - qui était l'idée d'imitation, Cette idée de l'imitation nous est introduite dans la psychanalyse très nettement avec Lacan. Je vous rappelle que Lacan ouvre sa carrière sur & avec un traité de cybernétique - c'est un petit cours de cybernétique et après il n'en parlera plus jamais.. de même que Freud; qui avait commencé avec un petit cours de pharmacologie, de neuropharmacologie, et n'en parlera plus jamais. En psychanalyse, c'est d'autant plus important, les scènes primitives. Le traité de cybernétique de Lacan se rapporte à LA LETTRE VOLÉE d'Alan E. Poe qui fait partie des NOUVELLES EXTRAORDINAIRES, avec une clé essentielle que Lacan distingue. Il s'agit de l'imitation transitive - c'est à dire une fonction de l'imitation qui s'introduit dans un jeu qui s'appelle pair impair - je cache mes mains derrière mon dos et demande «dans quelle main se trouvent mes lunettes»? Mon vis à vis - généralement on fait ça avec un enfant - cherche à deviner dans quelle main j'ai mis l'objet et dans la nouvelle d'Edgard Poe, il existe un enfant qui gagne à tous les coups à ce jeu. La clef de sa réussite est dans le fait qu'il imite son vis à vis. Ce mimétisme est la base d'un transitivisme propre à déceler le penchant inconscient qui oriente le choix du joueur cachant. La solution du jeu joue donc sur la corde du transitivisme et elle est en diagonale, si on peut dire, centrale dans le modèle, devenu schéma cybernétique de Lacan qui s'appelle schéma L ou Z. Tel est ce qu'on trouve du côté de Lacan.
En 1950-1960, nous sommes donc, en Psychanalyse, avec l'imitation comme premier principe ontologique de la subjectivité. A la même époque Alan Turing, lui, s'occupe d'intelligence artificielle, avant que personne n'y pense presque. On sait qu'il est le génie créateur - comme Freud l'était, c'est comme ça.. l'initial est le génial. Turing se demande si la machine pense. Est-ce que l'ordinateur est capable de penser ? ou encore, est-ce qu'une intelligence artificielle doit être non seulement un intelligence, mais encore une pensée? Turing invente alors une méthode, une espèce d'équation pour répondre à cette question "est-ce que la machine pense?". Il appelle son examen - je ne pense pas qu'il connaissait Lacan et Lacan ne le cite jamais - du nom de «jeu de l'imitation». Ce n'est pas le «jeu pair impair» où le gagnant va imiter, c'est directement et sans ruse le «jeu de l'imitation». C'est un jeu qui se constitue, avec un ordinateur & un humain. Que se passe-t-il quand l'ordinateur imite l'humain? Que se passe-t-il à ce moment là ?.. et Turing met un troisième personnage vis à vis de ces deux qui jouent au pair impair ou à l'imitation entre l'ordinateur et l'usager. Et ce troisième personnage, en observant la combinaison de l'humain et de l'ordinateur imitant l'humain - ce troisième personnage ne va pas savoir qui pense - si c'est l'ordinateur ou si c'est l'humain - par conséquent Turing déduit que l'ordinateur pense.. puisque nous ne savons pas ce qu'est la pensée humaine! Est-ce que c'est quelque chose de collectif, de divin, la gnose, la nœse? On ne le sait pas.. Descartes a subsumé l'"existence" par rapport à la pensée, mais il n'a pas défini la pensée. Donc finalement cet observateur qui voit que "ça" pense, dit finalement que l'ordinateur pense autant que l'humain * ; et au demeurant c'est aussi la conclusion de Lacan. Dans son article premier, à la fin, ce psychanalyste, Jacques Lacan termine - c'est son premier article fondateur de sa carrière - en disant finalement que les machines pensent autant que les humains - peut-être pas pluss mais en tout cas autant, c'est à dire pas beaucoup.
Nous sommes en mesure de distinguer la différence qui loge en ce qui rassemble psychanalyse et intelligence artificielle. Revenons à Lacan et à ces deux joueurs du jeu pair-impair. Ils vont en venir à contredire la solution du mimétisme, la solution de l'imitation - en introduisant la tromperie. Un animal dans sa chasse peut tromper celui qu'il poursuit ou même son poursuivant - certains animaux arrivent faire ça. Dans l'imitation à deux, c'est à dire le premier principe psychanalytique, on peut introduire la tromperie et cela s'est appelé transfert-contre-transfert. C'est uniquement dans le système à trois de Turing - avec l'intelligence artificielle - que l'on peut introduire le mensonge. Il s'agit de ce troisième degré dont on parle souvent ici ; on dit que le harcèlement, la dénégation se joue en la présence d'un «tiers..». Il s'agit de cette ontologie de la pensée comme indéfinissable entre l'environnement & l'être humain, c'est à dire entre l'ordinateur et soi. Ce contexte est par contre définissable en terme d'environnement & de relation (c'est à dire de 'relation' entre deux semblables ** ). C'est avec un tel contexte que l'on peut introduire la notion de mensonge. Quand on est purement dans la situation duelle de la psychanalyse, par exemple on ne peut introduire que la notion de tromperie. Alors voilà c'est ça que j'appelais le cadre.. donc : une première imitation, comme ça quelque chose qui s'imite. Et voilà la deuxième imitation, voilà, on a fait un cadre.
Donc c'est comme ça que j'ai commencé cet écrit, ce petit texte et,
dans ce cadre j'ai introduit la seule avancée qui me soit personnelle :
j'ai introduit la chaîne qui va passer, dans ce cadre, à la manière des
bandeaux lumineux et de leurs lettres qui défilent, comme le ruban de la
machine de Turing ; et j'ai mis à l'initial de ce qui passe dans le
cadre..: le code (le chiffre). Initialement c'est un code qui passe et ce
code, deuxièmement, va être chiffré (ça c'est Turing) tandis que ce
chiffre troisièmement va donner le langage, le signifiant. On a donc là
le code puis, après, le signifiant et troisièmement le signifiant,
toujours en passant, va à son tour être déchiffré - pour que dans une
autre étape de chiffrage nous arrivions au produit. En résumé,
c'est dans le cadre du mimétisme et de la relation humaine que nous
voyons procéder une Histoire qui commence avec le Code et qui se termine
avec la Production - entre temps il y a eu une combinaison de chiffrage,
de déchiffrage et de chiffrage. Qu'est-ce que ça veut dire et pourquoi
peut-on amener l'Idée à partir du Code?
Le management dont on a parlé tout à l'heure, c'est le mana du «je mens», la puissance du mensonge. Ici au niveau du chiffrage d'abord nous avons la tromperie. Au niveau du langage nous avons le mensonge et c'est là où une puissance idéologique est conçue ainsi qu'un système - un système qui peut-être moyenâgeux. Avant la renaissance, nous avions des idées illusoires et imaginaires sur le fonctionnement du cosmos... maintenant on est très objectiviste. En biologie, on va peut-être aussi le devenir dans le futur, principalement quand nous serons arrivés à passer ici au déchiffrage de cette Histoire - c'est à dire quand ici, en bout de chaîne nous avons un retour du chiffrage, c'est à dire l'intelligence artificielle. Le management là-dedans, dans cette Histoire-là, il aura commencé - je suis obligé d'aller très vite maintenant puisque le temps qu'on s'est déterminé nous y oblige.. le management aura commencé par être une éducation.. on le voit à la manière dont Turing procède : quand il établit son système des trois, dans le «jeu de l'imitation», et qu'il approche et dit «voilà, maintenant cette machine est intelligente» et qu'est-ce qu'elle va faire ? Elle va s'éduquer .. elle va procéder par éducation.. et c'est de ce point que Turing commence juste à passer au moment de l'Éducation à l'Apprentissage. C'est ce que Daniel Bonnet dénommait en terme de Changement et de Transformation - voilà! On est sur ce passage-là. Le management va évoluer à partir du moment où il est mêlé à l'intelligence artificielle. Quand finalement nos sociétés sont gérées par une intelligence artificielle, ce qui reste du management, c'est à gérer un apprentissage plutôt qu'une éducation. C'est à dire que cette éducation ou cette idéologisation - cette façon-là de se mettre sur les rails, de faire marcher une entreprise, s'éduquer dans une entreprise, s'éduquer vis à vis de la culture d'entreprise, cela devient automatisé, conditionné. L'apprentissage va être autre chose - mais ce qui se passe à ce moment-là arrête même Turing - c'est que lorsque nous sommes au stade de l'apprentissage, en fait- à ce moment-là, le management de l'apprentissage - comme on dit : in status nascendi - dès qu'il apparaît, dans le moment de l'apprentissage, il disparaît ! Il disparaît parce que le management va devenir pur.. - il est tout près de la production - et il va devenir outil de production. Or à l'origine l'idée du management n'est pas de la production ; le management c'est "assister" la production, c'est garder cette distance vis à vis.. Ce n'est pas une "machine à composter", une machine à timbrer les employés ou à produire directement - mais quand il est mêlé à ce troisième ou quatrième stade à l'intelligence artificielle, à ce moment-là, ou bien il disparaît, ou bien il devient un outil de production. Je pense que vous devez le voir, on doit le voir dans les sociétés avancées, très technologiques et toujours mensongères - le management se mêle à la machine à produire et c'est contre quoi l'Institut de Psychanalyse & Management probablement essaie de réagir.
Alors qu'est-ce qui passe, pour obvier ou contrevenir à cette interruption fatale que certains auront appelé pulsion de mort ou chose comme ça.. qu'est-ce que la chaîne passe? Il faut donc que le management à ce moment-là se récupère. Or il va forcément se récupérer sur quelque chose qui n'est pas observable - sur quelque chose qui manque, sur une absence, parce que s'il se récupère sur quelque chose de positif, d'objectif, il va participer de l'ensemble productif. Donc il ne peut se récupérer que sur quelque chose qui est absent, qui n'existe pas - cela semble absurde mais, à y regarder à deux fois, on a tout ce qu'il faut ! pour rationaliser cette situation, le vingtième siècle fournit ce qui s'appelle le refoulé - nous avons ce qui est refoulé. Donc le management va s'armer, se renforcer, ressusciter si on peut dire, à partir du refoulé. C'est bel et bien la raison d'associer la psychanalyse au management. Et puis voilà.. le refoulé, il m'est arrivé dans mes recherches (c'est dans le papier que j'ai écrit), d'avoir trouvé quelque chose qui est refoulé, répondant notamment à nos besoin. Je vais vous en parler très vite et montrer pourquoi c'était refoulé. C'est avec l'histoire débutant à Athènes, tout au début, c'est à dire avant que ça commence à mal tourner à la fin socratique - avant cela, au moment de l'apothéose du début athénien, l'histoire rappelle un certain Simonide de Céos, un poète, de la ville de Céos, assonant à "chaos".. Ce Simonide va inventer ou plus probablement diffuser une initiation que va être appelée l'Art de la Mémoire. Après la catastrophe de la fin de Socrate; cet art de la mémoire va être transmis et restitué à Rome par Cicéron - c'est pas rien - puis il va végéter ou devenir occulte au moyen âge en redevenant l'argument fondamental de Giordano Bruno -qui lui non plus n'est "pas rien" en valant bien Cicéron, en tant que "socrate" de la Renaissance. Comme «l'homme le plus sage d'Athènes», comme «le plus grand auteur de Rome», Bruno subit leur sort à la fin de la Renaissance comme «le représentant de l'Hermétisme» ; chacun aura organisé ou théorisé ou instruit la science d'une technique de management qui s'appelle l'Art de la Mémoire. Cet Art de la mémoire, persistant, résurgent et interdit depuis la Renaissance, alors ça fonctionne comme ça - ça fait maintenant depuis 1985 - ça fait donc vingt ans à peu près - un peu plus de vingt ans que je pratique ça, que j'ai commencé à pratiquer ça :
Vous avez un groupe où, suivant l'Art de la mémoire... il y en a
toujours un qui manque - jamais deux parce que quand celui là
sort, c'est un autre qui est revenu. C'est ça l'Art de la mémoire
Simonides conte une mythologie pour ça : c'est un Banquet bien sûr,
parce qu'à l'époque une association, c'était un "Banquet" ;
il y a un chef de cérémonie, c'est à dire un Idéal ; il y a des
divinités, elles forment l'Extérieur ; et il y a un tremblement de
terre, un chaos tel que lorsque la personne sortie revient et rentre, elle
voit tout le monde écrasé et 'irreconnaissable' - sauf qu'à partir de
chaque place, on peut restituer le nom des corps écrabouillés. Le.... nous
sommes arrivés au temps où en conclusion : l'Art de la
Mémoire, qu'est-ce que ça serait? Si on avait pratiqué l'Art de la
mémoire, durant toute mon intervention et à peu près toutes les 3
minutes quelqu'un serait sorti et revenu. Comme ces petites carrés que
l'on pousse sur un damier (damier dont une pièce est absente - le jeu
s'appelle "Le Taquin"), avec toujours quelqu'un d'absent il
se passe sociologiquement quelque chose de très important - cependant
que l'Art de la Mémoire est complété, parce que dehors.. on ne sort pas
pour un pipi ou boire un coup mais on rencontre un psychanalyste qui
assiste une séance lacanienne de 3 minutes et on revient.. et il se
passe donc aussi quelque chose dehors avec ce psychanalyste qui voti
passer les membres en série. C'est ce qui était décrit par Simonides.
Dehors on trouvait les dioscures Castor et Pollux ; vous les connaissez,
avec Castor c'est aussi Sartre et à cette époque, ici nous avons le
psychanalyste et l'analysant. Donc dans le groupe toujours un moins-un,
jamais de superviseur et nous avons l'Art de la Mémoire. C'est à dire ce
passage qui, sans superviseur ni rien d'autre que l'intelligence
artificielle dont le groupe est tout cultivé comme aujourd'hui..
ce passage qui fait que ce groupe va purement s'autogérer,
automatiquement et en réponse à l'automatisme intelligent. Il n'y a
aucune idéologie agissante puisqu'au contraire le processus d'extraction
va être "désidéologifiant".. Ce managementt procède par une
absence, perpétuellement et dans une pure logique qui correspond et
répond de l'intelligence artificielle |
NOTES *
la suite est plus complexe ; l'idée que l'ordinateur imite l'humain est un
truisme si, comme tout le monde le dit, l'humain construit des machine à son
image. S'il fait des machines qui lui ressemblent, ces machines vont l'imiter,
par la force des choses. Turing n'a donc que pris acte d'un fait imposé et cela
reste son mérite de l'avoir distingué. Mais en vérité, c'est l'humain qui
imite l'ordinateur et cet état, de fait, rend les déductions qu'il
compose beaucoup plus ouvertes. Seulement faut-il admettre cette vérité
renversée par rapport au sens commun. La présentation ici retranscrite m'a
permis de préciser cette inversion, au cours des questions-réponses qui
suivirent l'exposé. Elles n'ont malheureusement pas été enregistrées et je
ne peux que les évoquer de mémoire. Elles précisaient la primauté du code
sur le verbe, que je mentionne un peu après dans le propos en évoquant Darwin.
Un exemple à la frontière entre l'éthologie et l'anthropologie en donne une
preuve comportementale : ** en réalité le séminaire sur La Lettre Volée touche strictement à ce second degré cybernétique - mais encore à peine et passant immédiatement de deux à trois personnages semblables - elle aboutit à un sophisme dit du "Temps logique" ou jeu des trois prisonniers. Pour éviter l'impasse sophistique, il faut prendre acte de l'intelligence artificielle - que j'écris alors /ia/ (ce que Lacan ne fait pas bien qu'il l'ait dénoncée) - c'est à dire reconnaître l'/ia/ comme une personne pensante - franchissement de la civilisation auquel nous résistons, mais pourtant apprêté quand déjà en 1901 on envisagea qu'une personne morale put être un collectif. Ce qu'on appelle la Seconde Cybernétique appuie le fait qu'un même collectif, mais avec le numérique en annexe (industrie du code), puisse s'avérer personne, non seulement 'morale' mais pensante. |